CHIMIE ET POLITIQUE
Le rôle de l’industrie chimique dans les deux guerres mondiales
1918-2018, le monde va célébrer le 11 novembre prochain le centenaire de la fin du premier carnage du XX siècle.
Pourquoi l’exploration du thème de la chimie et de la politique est-elle si importante ? Pour deux raisons principales : la première, le lien indissociable entre le monde scientifique et le monde politique, un lien souvent occulté dans l’univers académique au nom d’une prétendue séparation entre les deux domaines, et la deuxième, l’engendrement d’un nouveau secteur économique, d’un nouveau marché et d’une grande industrie née durant les deux décennies du XIX siècle, l’industrie chimique sous l’effet des rivalités géopolitiques entre deux puissances européennes, l’une cherchant à préserver son hégémonie maritime, la Grande-Bretagne, l’autre aspirant à lui ravir ce statut de première puissance mondiale, l’Allemagne. En effet, avant l’exacerbation des rivalités géopolitiques entre la Grande-Bretagne et l’Allemagne, la chimie industrielle n’existait pas, elle était tout simplement une chimie de laboratoire ou selon Auguste Comte, un « recueil de recettes de cuisine ». Quand les deux gouvernements, anglais et allemand lancèrent leur programme de construction de dreadnoughts et de cuirassés équipés de nouveaux canons et de nouvelles artilleries plus puissantes, les industriels des deux pays avaient immédiatement pressenti les enjeux économiques et surtout les profits juteux qu’ils pouvaient en tirer de cette course aux armements. Inversement, si Alfred von Tirpitz et l’amirauté anglaise décidèrent d’engager leurs nations respectives dans la voie de la militarisation, c’est parce qu’ils misaient sur la nouvelle industrie chimique, sur les nouveaux procédés de Sir Henry Bessemer, des frères Siemens, Martin-Siemens de Sydney Gilchrist Thomas, d’Alfred Krupp pour concevoir et développer de nouveaux matériaux, plus solides, plus résistants et bon marché, destinés à la construction d’une nouvelle génération de navires de guerres, mieux équipés et mieux armés. Cette nouvelle collaboration entre le militaire, le politique et l’industriel annonçait déjà ce qui est convenu d’appeler aujourd’hui, le complexe militaro-industriel.
La structure du livre s’articule autour de cinq idées directrices développées dans cinq chapitres: chimie et la course aux armements avant la Première Guerre(chapitre I), chimie dans la Première Guerre (chapitre II), chimie et le réarmement allemand dans l’entre-deux-guerres (chapitre III), chimie au service du blitzkrieg nazi dans la Seconde Guerre (chapitre IV), de quelques utopies sur la bombe atomiques (chapitre V). Selon le canon de tout travail académique, le livre contient des notes, une bibliographie et un index. Chacun de ces chapitres fera l’objet d’un résumé faisant apparaître l’idée directrice développée et les arguments mis en œuvre pour l’étayer.
La Première Guerre causa la mort de 37,494,186 civils et militaires, la Seconde Guerre, 22,060,000 et 34,400,000 blessés. Le 22 avril 1915, Fritz Haber, chef de la division chimie chargée de la gestion des matières premières auprès du ministère de la guerre allemande(Kriegsministerium) donna l’ordre d’ouvrier les 5000 cylindres de chlore liquide entraînant la mort d’un tiers de soldats sur les 15 000 présents dans un secteur situé près de la ville d’Ypres en Belgique. Dans la nuit du 9 au 10 mars 1945, le général américain Curtis Le May envoya 334 bombardiers B-29s pour déverser sur Tokyo, 2000 tonnes de bombes incendiaires tuant sur le coup 100 000 civils brûlés vifs ou morts suffoqués et incendiant une zone d’une superficie de plus de 20 km². Pour sauver des « vies américaines », les États-Unis lancèrent les 6 et 9 août 1945, deux bombes atomiques sur les deux villes japonaises, Hiroshima et Nagasaki, tuant 200 000 civils, un nombre égal de blessés et détruisant sur une superficie de 7 km², 62000 bâtiments. De janvier 1943 à mai 1945, 1,2 million de tonnes de bombes furent déversées par les Alliés sur l’Allemagne, l’équivalent de 600 bombes atomiques. En 1919, ruinée et humiliée par les conditions draconiennes imposées par le Traité de Versailles, comment l’Allemagne réussit-elle à renaître de ses cendres, à se relever, à entamer son réarmement sous la République de Weimar et paver la voie au Blitzkrieg nazi ? Comment l’Allemagne, un pays pauvre en ressources naturelles, notamment des matières premières stratégiques nécessaires à toute guerre moderne motorisée, telles que l’essence et le caoutchouc, fut-elle capable de mener une guerre de quatre ans pendant la Première Guerre, de soutenir une guerre de cinq ans pendant la Seconde Guerre,, en occupant l’Europe du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest et en envahissant les immenses territoires de l’union Soviétiques ? Ce livre tente d’apporter des réponses originales d’abord sur les causes profondes des deux guerres mondiales du XX siècle, ensuite sur l’origine des carnages qui envoyèrent à la mort environ 100 millions d’êtres humains sans parler de toutes les destructions matérielles et les dommages subis par l’environnement et enfin sur les facteurs géopolitiques qui favorisèrent le relèvement de l’Allemagne vaincue durant la période de l’entre-deux-guerres en amorçant son réarmement sous la République de Weimar et d’une façon spectaculaire après l’avènement du nazisme. L’ouvrage s’adresse non seulement à deux publics différents séparés par un cloisonnement académique artificiel, ceux de la science et de la politique mais il pourrait intéresser aussi l’historien et tous ceux qui cherchent à comprendre les grands événements et les profonds bouleversements qui affectèrent le continent européen et le monde, une période allant grosso modo de 1898 date à laquelle Alfred von Tirpitz lança son plan d’armement naval de l’Allemagne jusqu’à la capitulation du Japon le 15 août 1945.